Accélérer, empiler, accumuler, privilégier la quantité de nos accomplissements à la qualité, avoir l’air si occupé qu’on ne peut pas se permettre de perdre deux minutes pour échanger avec le collègue que l’on croise entre deux réunions, en être fier tout au fond de soi même si on s’en défend à voix haute, mesurer l’importance que l’on nous accorde (et que l’on s’accorde) à l’épaisseur des responsabilités qu’on nous confie, désormais, c’est surfait !
Innovez, et ralentissez !
La vraie innovation ne loge pas en effet dans telle méthode de management ou telle autre, et encore moins dans celle qui vous promet à grands renforts de marketing d’accomplir encore plus en moins de temps ! La vraie innovation est celle qui vous amène à faire un pas de côté.
Dans son dernier livre, L’heure tourne (2018, Quanto), Simon Garfield évoque les travaux de Julian Birkinshaw et Jordan Cohen, publiés dans la prestigieuse Harvard Business Review1 : les deux professeurs ont en effet constaté que l’affairement n’est pas productif en lui-même. Incitant, lors de formations continues, les employés à ralentir et à réfléchir davantage à ce qu’ils font, ils notèrent que ces derniers économisaient en moyenne 6 heures de travail de bureau et 2 heures de réunion par semaine.
Marquez une pause et faites un pas de côté
Stoppez votre course perdue d’avance, posez-vous un instant (ou plus), prenez une grande respiration, et observez. Observez avec recul, objectivité et donc sans affect, la façon dont vous travaillez. Ne jugez pas, ne condamnez pas, observez simplement.
Observez pendant une semaine au moins votre journée de travail, vos relations avec les autres, et portez une attention particulière au rythme que vous vous imposez.
Au terme d’une semaine, faites le bilan.
- Avez-vous été surpris de la façon dont vous vivez votre temps, dont vous l’occupez, consciemment ou non ?
- Avez-vous pu repérer des marges de manœuvre pour travailler autrement, différemment, et surtout plus lentement, bien sûr pas forcément pour toutes vos tâches, mais pour certaines d’entre elles, celles qui méritent réflexion, et qui méritent toute votre attention ?
Faire le choix de travailler chaque jour avec intelligence plutôt qu’avec excès
Difficile, je le sais par expérience, de modifier des habitudes qui nous ont été transmises et que l’on a fait siennes depuis très longtemps, souvent depuis le début de notre vie professionnelle, voire de notre vie étudiante !
Difficile enfin de rentrer consciemment « en résistance » face à une culture d’entreprise qui encourage et valorise la performance et la productivité quel que soit le prix à payer, mais souvenez-vous, c’est le lot de celles et ceux qui depuis de la nuit des temps, comme Galilée, Socrate, Léonard de Vinci, Picasso, Salvador Dali avant vous, sont en avance sur leur temps et n’ont pas peur d’innover, quitte à passer pour des illuminés !
Au-delà de la question, pourtant centrale, de la prévention de l’épuisement, qui fait rage dans les services, l’entreprise d’aujourd’hui ne peut globalement plus perdurer dans des modes d’organisation du travail qui privilégient le « court-termisme », le culte de l’urgence et le multitasking, au détriment de la santé des salariés et de la qualité de vie au travail. Le slow management, comme le slow working, ou encore le slow business, qui fait une percée timide mais remarquée dans nos entreprises, réhabilite la qualité au détriment de la quantité, et nous rappelle que pour travailler mieux, il faut travailler plus lentement.
Réapproprions-nous notre temps, y compris dans nos entreprises !
Et pour vous mettre le pied à l’étrier, voici 5 mantras qui vous aideront à vous souvenir qu’innover, c’est d’abord ralentir :
- J’adopte en conscience le slow working et intègre une fois pour toutes que je peux travailler mieux en travaillant moins.
- Je choisis dès aujourd’hui de travailler chaque jour avec intelligence plutôt qu’avec excès !
- Je prends un temps de réflexion, chaque matin, avant de démarrer ma journée et d’entrer de plein fouet dans l’opérationnel de mon travail, pour définir mes 3 à 5 grandes priorités du jour.
- Je passe d’une représentation linéaire à une représentation stratégique du temps en réhabilitant dans mon agenda, idéalement chaque semaine, des plages de « non-disponibilité » dédiées à la réflexion.
- Je sors du conditionnement de la réactivité et de la culture de l’urgence et de l’immédiateté en affectant à mes diverses préoccupations (au sens large) un espace bien identifié dans mon agenda.